Le développement de l’image numérique et ses applications

"Les Musiques formelles : Hommage à Iannis Xénakis"

Patrick Saint-Jean*, Olivier Laveau**.

*ENSC-ACI, **IUFM

"Cher Iannis Xénakis, dans les années 60, quand nous nous sommes rencontrés, tu venais de publier le livre remarquable Musiques formelles à la Revue Musicale (double numéro spéciale 253 et 254) aux éditions Richard-Masse. Nous étions nombreux jeunes à venir aux nuités des Beaux-Arts dans les salles caverneuses à écouter, voir, entendre l'inexplicable, à comprendre la complexité de la vie sonore et visuelle, que des siècles de purification culturelle, au nom de l'unique harmonie universelle, d'une idéologie Kantienne ou d'un rationalisme suffisant, avaient martelé et pilonné jusqu'aux années 50 au son de l'industrialisation. Or nous savions déjà, car nous pratiquions alors musique et peinture à l'écoute de l'histoire du passé, qu'il y avait d'autres mondes d'expression du réel, d'autres démarches qui menaient à autres choses que des guerres fraticides au nom d'idéologies totalitaires, monopolistes. La connaissance puis les nouvelles technologies de l'époque commençaient à nous faire entrouvrir les espaces de ce qui serait notre avenir. Mais toi tu nous la faisais vivre, comprendre et sentir. Nous étions nombreux également, toutes classes sociales confondues, au Musée d'Art Moderne ou à la RTF, entassés, au front perlé, à l'odeur de poudre féminine vaporeuse, oreilles et tripes frémissantes. Eonta, Pithoprakta, Metastasis, autant de vibrations intimes et collectives traversaient notre corps, notre esprit et notre âme. Achrorripsis, Analogies, Syrmos, Herma, qui dans leur dynamique, leur multiplicité, et différences, faisaient vibrer les cordes ou les bandes magnétiques.

Alors que déjà les intégristes culturels criaient au scandale, les violonistes se faisaient prier pour oser retourner leur archet, au risque d'égratigner le vernis, pour frapper la corde, les timbales s'épuisaient en réglages, les haut-parleurs Hi-Fi, eux, crachaient musicalement les résultats analogiques de longs calculs numériques d'ST/10, de Concret PH, et d'Orient-Occident.

Car, en effet derrière tout cela, une longue réflexion cheminait, de Parmenide à Laplace, de Markov à Gabor, de Maxwell-Boltzman à Fletcher, du Parthenon à Le Corbusier, pour apprendre et comprendre de l'indéterminisme au déterminisme, du chaos à la structure ensembliste, ce qu'est la matière, l'espace, l'architecture, sonores et visuelles.

Musique, Physique, Mathématiques, Automatiques, Informatique, Architecture, Histoire, Philosophie, toutes disciplines étaient déjà là bien présentes dans leur cortège de connaissances et d'expériences. Et ton œuvre le montre dans toute sa dimension humaine.

Quand nos chemins se sont croisés professionnellement de 1974 à 78, ton œuvre était déjà en moi. Quand, au CNET d'Issy-les-Moulinaux, je conçus pour toi, contre vents et marrées, le premier système informatique interactif, sur mini-ordinateur, pour la composition musicale et visuelle, que tu nommas UPIC (Unité PolyAgogique Informatique du CEMAMu, Centre d'Étude de Mathématiques et Automatique Musicale), il était à ton image, pas seulement pour écrire mais dessiner, calculer, structurer la pensée musicale polyagogique dans toute son expression à la fois dure et tendre, intime et massive, singulière et collective, pure et impure, perturbante et stochastique, immanente, transcendante et cantonante, concrète, abstraite et virtuelle.

Et quand, au CNET également, j'organisais en première mondiale une conférence de composition musicale interactive en temps réel, en réseau spécialisé d'Issy-les-Moulineaux au Centre de Calcul IBM de Pise, en Italie, avec le compositeur Pietro Grossi, c'était déjà te donner une image de ce que serait la continuité de ton œuvre.

Avec cette instrumentation, déclinée en nombreuses versions dans le monde entier, et un réseau de musiciens et compositeurs, tu nous as offert de nombreuses œuvres, personnels et collectives, qui nous touchent à chaque instant d'écoute.

Alors que tu nous quittes en ce nouveau millénaire, ton œuvre restera toujours présente en nous comme l'un des plus forts moments et liens entre les arts, les sciences et la technologie instrumentale, qu'elle soit locale ou répartie dans la globalité de l'information, dans la globalité de l'œuvre humaine."

Par un exposé multimédia en réseau, de façon expérimentale nous tenterons de rendre hommage au compositeur et Maître Iannis Xénakis (1921-2001) dans le PolyAgogic CyberSpace de l'Univers Cités Virtuelles Interactives, pensant que ce terme "polyagogie" deviendra dans la pensée collective internationale, un nom commun ou un adjectif marquant les démarches, les chemins et les liens transversaux, existants ou devant exister, entre les disciplines pour mieux comprendre la complexité du monde et en permettre l'expression humaine.